Aujourd’hui, on continue l’interview de Pasquale, ce multimillionaire suisse. On va parler de son style de vie et de ses investissements.
Style de vie
MP: “Es-tu FIRE (“Financial Independence, Retire Early”, en français: “Indépendance Financière, Retraite Anticipée”) aujourd’hui?”
Pasquale: Oui, largement. J’aurais pu m’arrêter à 35 ans avec mon projet des deux immeubles, et m’attribuer un salaire de 2-3x supérieur au salaire moyen suisse. Et ce uniquement via mes rendements passifs immobiliers en Suisse.
MP: “Est-ce que tu as mené une vie frugale à tes débuts? Est-ce toujours le cas aujourd’hui?”
Pasquale: Non, je ne dirais pas que je suis frugal. Je me décrirais plutôt comme un économe “normal”. Je ne me suis jamais trop privé. Un autre adjectif qui me définit bien est “prudent”.
Aujourd’hui, je considère mon train de vie comme plus élevé que la moyenne. Pas au maximum de ce que je pourrais me permettre, mais élevé.
MP: “À quels moments de ta vie es-tu sorti de ta zone de confort?”
Pasquale: À 16 ans lorsque j’ai commencé mon apprentissage. C’était plus de la rigolade là, c’était la vraie vie. L’autre fois où je suis sorti de ma zone de confort, c’est quand j’ai lancé mon entreprise à 24 ans, en bossant toute la semaine y compris le samedi et dimanche. Mais j’aimais ça.
MP: “Comment as-tu trouvé ta passion/voie? Quand tu as commencé, étais-tu animé par une passion pour quelque chose ou simplement par un raisonnement financier?”
Pasquale: “L’appétit vient en mangeant” comme on dit. Ma passion/voie pour l’immobilier s’est développée au fur et à mesure que je l’ai pratiquée.
Comme expliqué plus haut, j’ai choisi cette carrière après avoir su qu’un poste de footballeur en Suisse ne m’aurait pas permis d’y vivre toute ma vie… et aussi par solidarité avec mon père, car je voulais être avec lui et le soutenir dans notre projet immobilier familial (construction de la maison familiale de mes parents).
MP: “C’est quoi la semaine typique d’un multimillionaire suisse, du lundi matin au dimanche soir?”
Pasquale: Ahaha, on ne me l’avait jamais posée celle-ci! Alors, laisse-moi réfléchir. En fait, c’est assez simple.
Du lundi au jeudi inclus, je fais acte de présence dans l’entreprise. Je m’occupe des tâches qui ne me prennent pas la tête. Car je ne m’imagine jamais aller à la retraite comme le commun des Suisses la considère. Je ne pourrais pas tenir plus de deux jours! J’ai trop peur de me faire ch***, j’ai besoin de faire du business, d’avoir un but concret, de construire des choses.
Et du coup, du vendredi au dimanche soir, c’est que des trucs plaisir/passion (restos entre copains, massage, balades).
Et puis au cours de l’année, je prends quelques jours de vacances par-ci par-là. C’est un des privilèges que j’ai toujours recherchés, cette liberté de pouvoir partir quand je le souhaite. Par exemple, dernièrement, on s’est organisé une excursion entre copains à la dernière minute pour aller faire un bout du GR20 en Corse! :)
MP: “Explique-nous l’aspect des femmes dans ta vie pendant ta vingtaine et trentaine. Étais-tu marié ou mettais-tu le focus sur ton business? Ça vaut la peine de se marier avant d’atteindre son objectif financier?”
Pasquale: Dans la vingtaine, c’est très important (en tout cas pour moi!) d’avoir une femme comme compagne, avant même de créer une famille. Le fait d’être en couple te donne un équilibre, et t’évite de perdre ton temps avec des futilités. Un autre conseil de mon expérience, c’est d’avoir des enfants après 30 ans, et pas avant. Car sinon, tu limites ta prise de risque dans la vingtaine, et donc les opportunités qui peuvent se présenter à toi.
En résumé, un homme devrait foncer de 20 à 30 ans pendant qu’il n’est responsable que de lui-même, et prendre tous les risques (mesurés!) à ce moment-là de sa vie.
De mon côté, j’étais donc en couple dans la vingtaine avec la femme qui m’a donné de beaux enfants. Néanmoins, je me suis séparé à 44 ans. Même si ce n’est pas directement lié à mon job, ça a joué un rôle, car quand même, tu prives ta famille de certains moments. Et trop travailler peut distancier un couple.
MP: “Comment as-tu fait pour concilier ta vie de famille et loisirs, avec ton job et la construction de ta fortune? D’un point de vue temps à y consacrer, et aussi argent à y allouer (re. sentiment de privation)?”
Pasquale: On s’est privé par rapport à des choses qu’on n’a pas pu faire parce que je bossais. Par contre, on ne s’est jamais privé de vacances. On en a même pris plus que la normale, comme j’étais patron de ma propre boîte. Et on s’est clairement permis plus de choses, non loin du luxe. C’était un choix de vie conscient.
MP: “Quel conseil donnerais-tu à la jeune génération souhaitant devenir propriétaire en Suisse?”
Pasquale: De pas avoir peur, mais de se méfier des banquiers. Même si t’as pas le choix que d’aller les voir. Mais je recommande de ne pas y aller en étant limité sur les liquidités pour avoir un certain pouvoir de néogotiation, car sinon ils te bouffent tout cru! Et un autre conseil: il ne faut pas que l’accession à la propriété en Suisse résulte en de nombreuses privations de la vie de tous les jours, sinon c’est même pas la peine d’y penser, tu ne seras que malheureux sur le long terme.
MP: “Est-ce que ton appréciation de l’argent / des dépenses a changé? Par exemple, as-tu beaucoup changé ton mode de vie entre ton premier million et le 25ème?”
Pasquale: Avoir de l’argent te rend clairement plus serein. Je voyais ça comme un outil avant, mais la société de consommation fait que t’es toujours en train de calculer quand même. Limite maintenant, je calcule tout le temps, car j’aime ça.
Mais je dirais que ce qui a changé entre maintenant que j’ai 25 millions de CHF de fortune, et avant quand je travaillais, c’est que je freine plus facilement mes dépenses maintenant qu’avant. Avant, j’étais dans le job, j’accumulais du cash sans souci de par mon travail, donc je ne réfléchissais pas trop au potentiel manque d’argent. Alors que maintenant que je freine mon élan de travail, ça m’oblige à freiner le reste, ou en tout cas à y faire plus attention.
"Économise quand t’as les poches pleines, pas quand tu les as vides…" me répétait mon père
MP: “As-tu reçu une éducation financière spécifique? Beaucoup d’explications de concepts dans ton environnement familial? Ou bien tu as vécu la ‘misère’, et n’as pas voulu de ça pour ta vie?”
Pasquale: Zéro éducation. Enfin si, en fait. Mon père m’a toujours dit “Économise quand t’as les poches pleines, pas quand tu les as vides…” Il ne m’a jamais conseillé d’investir. Mais économiser, ça oui, en mode fourmi pour toujours avoir du cash pour manger dans les moments difficiles. Aussi, mon père m’a toujours enseigné que les dettes c’était mal: “Si t’as [de l’argent], t’achètes, sinon, t’achètes pas!” Ce n’est que plus tard que j’ai compris le jeu de l’argent et des dettes, et l’effet de levier possible grâce à la dette hypothécaire en particulier pour l’immobilier.
Si t’as [de l’argent], t’achètes, sinon, t’achètes pas!
Investissements
MP: “Peux-tu nous lister tous les outils financiers dans lesquels tu investis actuellement? Immobilier? ETFs? Autres? Et avec quels rendements pour chacun? Et dans quelles proportions?”
Pasquale: Mon véhicule d’investissement numéro 1 est l’immobilier en Suisse. Après, j’ai quelques pour cent de ma fortune avec lesquelles je “joue au casino”. Comme par exemple quand j’ai acheté du pétrole en voyant qu’il était à 13USD, et que je l’ai revendu 2 mois plus tard en réalisant 35% de profits.
J’ai bien tenté de diversifier mon portefeuille en allant du côté de la bourse. Sauf que, n’y connaissant pas grand-chose, je suis à chaque fois passé par un intermédiaire. Et les trois fois où j’ai tenté l’aventure, j’ai perdu. Donc maintenant, je n’investis que dans ce que je peux contrôler moi-même sans l’aide d’une tierce personne. Pour ma part, ça veut dire construire des biens immobiliers!
MP: “Est-ce que tu t’es formé spécifiquement dans ces domaines? Si oui, comment?”
Pasquale: Mon apprentissage de l’immobilier s’est fait sur le tas. J’ai appris le maximum en côtoyant toujours des gens plus âgés que moi. J’ai une soif d’apprendre insatiable. Et là où j’ai finalement le plus appris, c’est sur le chantier, en écoutant des gars de 20 ans de plus que moi me racontant les erreurs qu’ils avaient faites, et m’expliquant comment ne pas reproduire les mêmes!
MP: “Où stockes-tu tout argent qui n’est pas dans l’immobilier? Banque? Courtier en ligne pas cher? Banque suisse privée? Tu diversifies, si oui dans combien d’institutions différentes?”
Pasquale: J’ai pas beaucoup de liquidités! :D — car, au fur et à mesure que de l’argent rentre, j’achète de l’immobilier pour le placer. Et aussi des voitures en mode placement (50%), et l’autre moitié en mode plaisir, car j’aime certains véhicules. J’ai juste assez de liquidités pour tourner avec mes dépenses régulières. Si demain, mes revenus locatifs suisses ne rentraient plus, je pourrais tenir une année avec mon mode de vie. Et toutes ces liquidités sont stockées chez une banque suisse “standard”.
MP: Quel est (ou sont) ton investissement le plus éthique et le plus rentable?
Pasquale: L’immobilier.
MP: “Tu te rappelles dans quoi tu as investi dans chaque tranche; i.e. de de zéro à 10k (aka ton tout premier investissement, et avec combien de capital), puis 10k à 100k, puis 100k à 1 million, puis 1 million à 25 millions?”
Pasquale: J’ai investi mon premier capital entièrement dans le terrain pour mon entrepôt de maçonnerie, puis dans le terrain pour ma maison (CHF 120'000).
J’ai investi ensuite CHF 250'000 dans ce projet d’immeuble dans l’Est vaudois. Puis après c’était à chaque fois dans de nouveaux projets immobiliers selon les opportunités.
Et entre chaque investissement, je gardais tout en économies à la banque.
MP: “Niveau gestion du risque à tes débuts, t’étais plutôt du style agressif ‘all-in’, ou bien assez conservateur?”
Pasquale: J’ai toujours été conservateur, réfléchi, et prudent. Quand j’ai acheté mon premier terrain, c’était avec du cash que j’avais. Et quand je prends des risques, ils sont mesurés afin qu’aucun ne puisse me mettre à la rue.
MP: “As-tu adapté la répartition de tes investissements en vieillissant (moins de risque)? Si oui, comment? Si non, prévois-tu de le faire un jour, et si oui, comment?”
Pasquale: Jusqu’à aujourd’hui, j’ai continuellement investi en immobilier en prenant hypothèque sur hypothèque. Mais l’année prochaine, ça va changer, car je vais passer la barre des 50 ans. Je ne ferai plus de placements immobiliers pour du rendement, mais uniquement de la promotion immobilière afin que tout l’argent que je mets, je le récupère à court terme.
Aussi, l’autre axe d’adaptation de ma stratégie de gestion de fortune va être de diversifier toutes mes sources d’hypothèque, afin d’avoir au final un immeuble par établissement financier. Car je ne répèterai jamais assez que certains banquiers sont des connards, et il ne faut jamais avoir tous tes oeufs dans le même panier, car sinon ils ont trop de moyens de pression — pour ne pas dire impoliment qu’ils te tiennent par les co******.
MP: “Quel est l’investissement le plus risqué que tu as fait et qui a vraiment donné une impulsion exponentielle à ta fortune nette? Est-ce que c’est comme le “petit prêt d’un million de dollars” de Donald Trump qu’il a trouvé sur le chemin de son indépendance financière?”
Pasquale: C’était mon premier immeuble à 35 ans, acquis grâce aux CHF 254'000 de fonds propres que j’avais gagnés avec la sueur de mon front!
MP: Question du lecteur suivant. “Avec le recul, quelle est la décision ou technique qui a fonctionné le plus dans ses investissements (si t’en as plusieurs, te gêne pas)? Et celle qui a été la pire?”
Pasquale: Ma technique d’investissement qui a fonctionné le plus est d’y avoir été pas après pas. D’avoir construit de l’immobilier doucement mais sûrement. Je calculais, construisais, voyais que ça marchait, et du coup je continuais régulièrement ensuite. Il ne faut surtout pas être gourmand et vouloir tout, tout de suite.
Ma pire technique d’investissement fut de spéculer sur la valeur d’un terrain proche de chez moi, en étant trop confiant qu’un écart d’offre d’achat de “seulement” CHF 50'000 ne pourrait pas jouer en ma défaveur… Au final, j’ai perdu l’offre contre un acheteur moins têtu, alors que je ne voulais pas laisser passer l’occasion. Donc si tu veux vraiment quelque chose, car c’est une bonne affaire, prends du recul, et saisis l’opportunité.
Ma meilleure technique d’investissement? Y aller pas à pas, sans être gourmand, et laisser le temps faire le reste.
MP: “Si tu recevais entre CHF 10'000 et CHF 100'000 aujourd’hui en tant que trentenaire cherchant une indépendance financière à long terme, où investirais-tu? Et où n’investirais-tu pas? (i.e. dans la conjoncture de 2022)”
Pasquale: Je me lancerais dans l’immobilier de rendement en Suisse, et uniquement en Suisse, car on y a la sécurité politique et une certaine stabilité monétaire. Je n’investirais pas dans les cryptos, car, à mon avis, sans compétence ou délit d’initié, c’est trop risqué pour moi.
Pour t’expliquer pourquoi je n’achèterais pas ailleurs qu’en Suisse, c’est que j’ai tenté l’aventure de l’immobilier en Italie. Et j’ai été victime du taux de change et du pouvoir d’achat des gens qui ne pouvaient pas acheter… Donc pour moi, la valeur sûre c’est l’immobilier en Suisse.
MP: “Tu dirais que ça t’a pris (et encore aujourd’hui) combien de temps par jour/semaine pour gérer tes investissements? Tu le fais toujours uniquement par toi-même?”
Pasquale: Je sous-traite toute la gestion des mes immeubles à une agence immobilière. Et le reste de la gestion de mes investissements — qui consiste à contrôler le paiement des loyers sur mon compte principalement — ne me prend qu'1/2 journée par semaine.
MP: “Tu prends combien de temps pour décider d’un nouvel investissement (analyse, gestion du risque)? Comment tu t’y prends concrètement?”
Pasquale: Avec l’âge et l’expérience, rapidement. Je peux voir si une opportunité d’investissement immobilier en Suisse est bien après y avoir jeté un oeil entre 30 secondes et 15 minutes. Si ça paraît bien, je creuse.
Concrètement, c’est un mix à 50% d’expertise de calcul de rendement, d’expérience, de savoir-faire, et de compétence (type de terrain, que construire dessus), et les autres 50% sont liés à ma connaissance du marché immobilier de la région où l’opportunité se situe.
MP: “As-tu déjà investi en te servant de système financier d’effet de levier (prêt Lombard, hypothèque, etc.)?”
Pasquale: Oui, j’investis uniquement via hypothèque. J’emprunte à 1%, et ça me donne un bras de levier de 30% au minimum.
En moyenne, par opération, je vise du 15-20% de rendement sur fonds propres.
Par contre, je parle bien de mes investissements ici. Car mon côté conservateur fait que ma maison où je vis n’a aucune hypothèque, car je veux être libre. Après, si l’un de mes enfants m’expliquait qu’il comprend les risques d’une hypothèque sur son domicile privé, et qu’il veut se servir d’une hypothèque pour ne pas bloquer son cash et profiter des taux bas actuels pour faire fructifier ses économies ailleurs, alors je le laisserais faire.
MP: “Tu penses quoi des cryptomonnaies? DeFi? Tu investis dedans? Si oui, dans quelles proportions?”
Pasquale: Je pense que sur 100 personnes, y’en a un qui s’y connaît, et que les 99 autres sont des pigeons.
Mais j’aime bien cette idée de finance décentralisée, surtout si ça peut me permettre de dégager le banquier qu’il y a au milieu!!!
Contenu de la partie 3/4
Dans la prochaine partie de l’interview avec Pasquale, on va aborder les techniques pour construire sa fortune, les impôts et caisse de pension, les aspects psychologiques et philosophiques de l’argent, et enfin ses erreurs de parcours et les leçons apprises.