Dans le dernier épisode, j’expliquais comment mes parents entrepreneurs avaient posé les bases de mon éducation qui font qu’aujourd’hui je suis capable de poursuivre un but au long cours comme l’indépendance financière.
De 8 à 13 ans
Aujourd’hui, c’est au tour de ma période de pré-adolescence. Ces années n’ont fait qu’ancrer mes principes frugaux encore plus profondément en moi.
Les courses une fois par semaine
Tous les vendredis après l’école, ma mère venait nous chercher avec ma cousine et nous allions faire les courses pour la semaine suivante. Je m’en rappelle assez précisément car ça annonçait 1h de jeu dans le supermarché entre cache-cache et jouer au loup (on faisait ça discrètement sinon c’était punition ^^).
Mis à part le fun, ça m’est implicitement resté qu’on ne va au supermarché qu’une fois par semaine et non pas plein de fois par semaine, au risque de se faire encore plus avoir par les têtes de gondole et leur soi-disant “Offres du jour”.
C’est tellement naturel pour moi maintenant que, couplé avec un esprit encore plus frugal, on a décidé avec MP d’aller encore plus loin et de ne faire nos courses que chaque deux semaines. Ca nous permet d’une part d’éviter la tentation, mais aussi et surtout de faire d’autres choses plus intéressantes que de passer nos vies dans des supermarchés.
Pas de plats “à l’emporter”
Issu d’une famille de la campagne, je ne suis rentré dans un McDo que bien après mes 13 ans. Je ne suis pas sûr que c’est LA solution car j’y ai passablement été une fois que j’avais mon propre chez-moi.
De nos jours, ça reste quelque chose de très exceptionnel et je pense que c’est en partie parce que je n’ai pas baigné dans une routine où on achetait tous nos repas en mode “take-away”.
Les seuls plats à l’emporter que mes parents achetaient étaient des pizzas qu’un camion vendait à côté de là où on faisait nos cours de piscine avec mon frère. De nouveau, c’était une fois toutes les deux semaines. L’exception plutôt que la règle.
Des vacances frugales
Chaque été, on avait la chance de pouvoir partir en vacances. Nous allions toujours dans des campings en mobil home (ma mère n’était pas roots au point de dormir sous la tente !) dans le Sud ou l’Ouest de la France.
Je me souviens de cette excitation de se lever à 2h du mat’ en étant gamin, et de ne pas arriver à fermer l’oeil de toute la
route de peur de rater le premier moment où on verrait la mer/océan !
Ca a dû accentuer mon côté lêve-tôt je pense.
Niveau bouffe, on se faisait environ 3-4 restos sur toute une semaine, et le reste du temps c’était ma mère qui préparait à manger sur place.
Mais nous ne sommes jamais allés à l’hôtel. Après que nous soyons partis de la maison avec mes frères et soeurs, mes parents en ont profité eux deux mais avant jamais.
C’est peut-être sur les points hôtels et propre bouffe que j’ai le plus de mal à convaincre Mme MP. Et encore qu’elle fait beaucoup de compromis avec les nombreux AirBnBs qu’on fait et les repas qu’on fait nous-même et autres pique-niques. Et j’avoue que quand tu te coltines 350 jours à chercher et préparer des idées de repas deux fois par jour, ça fait toujours plaisir d’avoir 15 jours par an où c’est zéro cuisine.
Et au niveau de mes défauts, c’est plutôt niveau partir à l’étranger (i.e. de l’autre côté de l’Atlantique ou de l’Océan Indien) où j’ai du mal à me restreindre. J’aime tellement découvrir de nouvelles cultures et paysages que j’ai du mal à rester par chez nous. Même si à tort, car rien qu’en Europe proche il y a déjà une tonne de choses à voir et à faire.
Mais je me suis quand même calmé, et depuis qu’on est tombé dans le frugalisme, on ne fait nos grands voyages plus qu’une fois tous les trois ou quatre années (ce qui est déjà énorme !)
Le sport c’est gratuit
Je ne sais pas si mes parents n’ont jamais fait parti d’un club de sport étant adultes car ils n’en ont pas eu l’habitude étant enfants eux-mêmes. Ou bien si c’était par manque de temps avec leur entreprise qui était un sport (physiquement) en soi. Ou bien car le sport est quelque chose auquel on peut accéder gratuitement grâce à la nature à disposition tout autour de nous.
Quoi qu’il arrive, quasi chaque dimanche entre mars et octobre, on partait pour une randonnée d’une quinzaine de kilomètres avec des membres de ma famille ou autres amis. Perso j’aimais beaucoup ça car c’était souvent en forêt et j’étais déjà attiré par cet environnement. Mais surtout, j’adorais le fait qu’une fois par semaine on se fasse sandwich au saucisson avec soit des bonbons ou autres gourmandises que ma mère nous préparait en surprise. Je m’en rends compte de nouveau avec mes propres enfants mais il n’y a vraiment pas besoin de milliers de francs dépensés pour rendre un gamin heureux ! Du saucisson, et des bonbons :D
Du coup en terme de frugalité, c’était top car on ne claquait pas des centaines de francs pour aller dans des parcs d’attractions ou autres sorties du style. De la nature, de la bonne bouffe. Avec l’avantage de nous conserver en bonne santé. Et pour 0 CHF qui plus est (mis à part l’essence peut-être).
Le sport et l’apprentissage de la persévérance
Mes parents pensent que le sport est gratuit, en tout cas pour eux. Car en ce qui nous concernaient, on a toujours pu faire un ou deux sports de notre choix.
Par contre il y avait une règle.
Si on commençait un sport, on devait s’y tenir jusqu’à la fin de l’année. Ca m’a forcé à apprendre la persévérence. Car clairement, lorsque je pratiquais la natation, il y a eu plusieurs fins de journée bien crues en décembre ou janvier où je me serais bien passé d’aller faire 3kms de nage dans une eau à 20-21 degrés… mais ça vous forge. Et je ne regrette rien aujourd’hui. Je suis reconnaissant que mes parents m’ai éduqué comme ça.
A certains moments de ma vie, ça m’a peut-être desservi car je suis resté fermé à d’autres sports et d’autres découvertes. Mais j’ai su faire la part des choses en grandissant, et j’arrive maintenant à appliquer ce principe là où ça fait sens, et à rester ouvert d’esprit pour d’autres trucs. Typiquement, pour mon objectif d’indépendance financière, je ne peux que remercier mes parents de m’avoir transmis ce principe de vie qu’est la persévérance. Et au niveau ouverture d’esprit, je suis beaucoup plus à même de ne pas terminer un livre aujourd’hui si ce dernier ne m’apporte pas de valeur.
Apprendre à budgéter (enfin !)
C’est mon père qui m’a introduit au concept de budget. Je n’ai malheureusement plus la trace écrite de mon carnet d’épargne mais de mémoire, j’avais autour des 6 ans quand il m’a fait remplir ma première ligne d’économies.
Il m’a expliqué dès lors que c’est moi qui était en charge de savoir combien j’avais en banque en rentrant chaque transaction sur ce petit carnet — il n’y avait pas d’ebanking à cette époque ! Et aussi que l’argent ne tombait pas du ciel, et qu’il valait mieux l’économiser pour me payer un truc utile ou que je souhaitais vraiment, plutôt que de dépenser à tort et à travers.
Je me vois encore sur le bureau dans ma chambre, rentrer ligne par ligne l’argent que je recevais à mes anniversaires, à Noël, ou lors d’autres occasions. Mois après mois, années après années, je voyais mon pactole grandir.
Tout comme aujourd’hui où j’adore la fin d’année avec le 13ème et les bonus qui tombent, j’attendais ce moment avec impatience à l’époque car je recevais par courrier… les intérêts de mon compte épargne (3-5% en ce temps) !
Néanmoins, je pense que ce côté économe est aussi lié à ma personnalité en sus de mon éducation. Car mon frère a lui aussi reçu cette intro à la budgétisation mais ne la pas vu grossir de la même manière sur le long terme :)
La qualité plutôt que la quantité
Ca me dérange quand je vois des enseignes qui ne vendent que du chenil à très bas coûts (genre Wish ou Alibaba), qui ne représentent de loin pas la réalité du marché (si on prend en compte le coût de production en Chine, le transport, etc.) et qui essaient de faire consommer le maximum aux gens en leur vendant de la m****.
Attention, je ne dis pas que je suis contre le discount bien au contraire. Je parle de qualité là.
Et avec cette introspection, je me rends compte que ce principe vient aussi de mes parents. Ils nous ont toujours élevés en nous disant qu’il valait mieux économiser quelques mois de plus pour opter pour un article qualitatif, plutôt que de toujours vouloir tout et tout de suite et moins cher, mais qui durerait moins sur la durée.
Deux exemples concrets dans notre vie actuelle :
- Je préfère acheter un Mac (Apple) quand je vois comment ils tiennent sur la durée avec leur système d’exploitation toujours aussi rapide 5 ans après, plutôt que de prendre un PC à 250.- (genre Acer) à bas coût mais de devoir le changer chaque année (je sais que ce sujet tient de la religion pour certains, mais je parle vraiment de la qualité de l’expérience ici en rapport au prix — et oui Apple abuse un peu)
- Un autre exemple de qualité moins tendencieux : notre Toyota Prius de 2006. Pour bien moins cher qu’une Audi ou BMW, on a un véhicule beaucoup plus pérenne et beaucoup moins cher à l’entretien. Et si on compare à des marques françaises où on aurait pu avoir du neuf plutôt qu’une occasion, et bien je peux vous dire qu’après 6 ans bientôt, on a toujours pas eu de voyant qui s’allume, ou de bruit bizarre dans l’habitacle (je généralise mais vous voyez ce que je veux dire).
Comme disait Juliet Schor dans son interview pour le documentaire “Minimalism” :
Nous sommes trop matérialistes dans le sens quotidien du mot, et nous ne sommes pas assez matérialistes dans le vrai sens du terme. Nous devons être de vrais matérialistes, c’est à dire de réellement nous soucier de la matérialité des biens.
Je dois admettre que mes parents me surprennent encore aujourd’hui quand je vois comment ils m’ont éduqué en ce sens…
Rendre service sans contrepartie
Chez nous, autant avec mes parents qu’avec mes grand-parents, il était normal en tant qu’enfant de donner un coup de main, et ce sans contrepartie ni argent de poche (je n’ai jamais reçu d’argent de poche de ma vie).
Dans la liste des corvées, on avait : tondre la pelouse, aider à ramasser les feuilles mortes, aider mon grand-papa avec son jardin, et bien d’autres trucs pas fun mais qui vous forgent.
Quand on grandit au sein du cocon familial, toutes les règles selon lesquelles on vit nous paraissent être la normale, et donc appliquées partout ailleurs dans le monde. Très vite avec la sociabilisation via l’école, je me suis rendu compte que tout le monde ne vivait pas selon cette même “normale”. Certains avaient de l’argent contre chaque tâche, d’autres n’aidaient jamais aux corvées. Du coup, j’ai évidemment tenté de me rebiffer une fois ou deux, mais ça n’a pas marché car mes parents savaient qu’ils m’inculquaient ces principes et valeurs pour que plus tard tout ne soit pas question d’argent mais aussi d’entraide. Et surtout, pour eux, de ne pas élever des fainéants qui ne font rien de la journée et qui veulent que tout leur tombe dans la bouche sans bouger un doigt.
Quand je vois où cette bienveillance et habitude du “travail” m’a amené, je vous assure que je m’applique à transmettre ces valeurs à mes enfants.
Pas d’argent de poche = plus de créativité !
Comme je le disais, je n’ai jamais eu d’argent de poche de ma vie. Mes parents m’achetaient ce dont j’avais besoin, et il y avait les cadeaux d’anniversaire/Noël sinon (comme expliqué dans l’article précédent). Les seuls quelques fois où j’étais rémunéré, c’était par mes grand-parents pour des corvées vraiment pénibles et longues (nettoyer un poulailler pendant 2-3h ça vous parle ?)
Du coup, comme j’avais quand même des envies de m’acheter des jouets ou autres jeux vidéos pour notre ordinateur, ça m’a rendu créatif.
Quelques exemples qui me font remonter tellement de souvenirs comme si c’était hier :
- Je devais avoir 8-9 ans quand, après avoir eu écho du système de tombola à l’école, j’ai eu l’idée de copier le modèle de business. J’avais un oncle qui travaillait dans le caritatif, du coup, je me suis empressé de créer une grille de 30 cases à vendre. Je disais aux gens de mon village (le porte à porte à cet âge ça fonctionnait au taquet !) que la moitié des rentrées d’argent iraient pour l’association caritative. J’achèterais les lots avec 25% du chiffre d’affaires, et les 25% restants seraient pour moi ! Sauf que… ma mère a eu vent de mon idée après que j’ai eu vendu la moitié de la grille. Et elle m’a dit: “Cest génial, mais le caritatif, on ne s’en sert pas. C’est 100% des bénéfs pour l’assoc.” Comme j’avais déjà commencé à vendre, je ne pouvais plus annuler. J’ai donc du continuer à aller faire mon porte à porte, et me suis retrouvé avec rien dans les poches au final. Mais une grande leçon de vie qui me poursuit encore aujourd’hui, où je fais du business qui ajoute de la valeur aux gens (vs. essayer de leur refourguer n’importe quoi sans éthique tant que ça fait du cash)
- L’autre exemple plus fructueux dont je me souviens, c’est quand on a été avec mes cousins cueillir des noisettes, et qu’on les vendait au bord de la route qui passait vers chez mes grand-parents. Je ne me rappelle pas combien on avait fait en une après-midi, mais ça nous paraissait un petit pactole.
Tout ça peut paraître ridicule et insignifiant. Mais ça a cultivé en moi cet esprit d’entrepreneriat et de système D avec les moyens que j’avais à l’époque. Et cet état d’esprit est maintenant ancré en moi plus que jamais. Il me permet d’être plus efficace dans mon job, mais aussi dans mes activités annexes comme ce blog.
Leçons de vie
Après cette analyse de mes 8 à 13 ans, je comprends mieux ces traits qui me caractérisent, à savoir :
- Ce côté organisé et prévoyant en ce qui concerne les courses afin d’optimiser nos achats et aller-retours en supermarché (et donc d’éviter les tentations…)
- Le fait de ne prendre des plats à l’emporter que très exceptionnellement les soirs, et jamais les midis (où comment économiser CHF 400 par mois)
- Cette modération constante avec le choix de vacances où, oui, on se fait plaisir, mais sans claquer sans compter (bien qu’on est déjà parti plus de fois à l’étranger que nos parents en une vie)
- Ce goût du plein-air qui me fait tant aimer notre appart dans la campagne suisse, avec son immense forêt toute proche. Et qui fournit surtout toute l’infrastructure nécessaire pour faire du sport à 0.- par année (vélo, course à pied, promenade en famille) !
- Cette persévérance dans tout ce que j’entreprends, apprise grâce au sport. Ce blog en est un parfait exemple, depuis sa création en 2014
- Cette aisance à budgéter toutes nos dépenses avec YNAB sans relâche. Ce qui nous permet d’être à CHF 350'000+ de fortune à ce jour
- Cet attrait naturel pour privilégier la qualité plutôt que le chenil en quantité. Ca explique bien pourquoi tout ce qui touche au minimalisme me parle
- Cette volonté de s’entraider entre copains, voisins, et aussi lecteurs du blog, et de ne pas toujours tout relier à l’argent
- Cette éthique business pour ne pas se servir de causes humanitaires pour faire des bénéfs, ou même en général pour toujours penser à ajouter de la valeur, avant d’essayer de vendre un service
- Cet esprit entreprenarial et créatif qui me sert autant au job que dans mes projets persos, ainsi que ce côté débrouille et “faire par soi-même” plutôt que de toujours compter sur les autres (i.e. mettre les mains dans le cambouis)
Comme dit dans le précédent post de cette série, chacun aura un avis différent sur ces leçons de vie. Mais si vous appréciez l’une ou l’autre, alors ça vous donne des pistes de quoi faire pour inculquer ça à vos progénitures. Je suis la preuve vivante que ça porte ses fruits sur le long terme !
Prochain article : de 14 à 18 ans
La suite de la série se concentrera sur mon adolescence, entre jobs d’été et des premières insouciances financières…
Et vous, qu’avez appris de vos 8 à 13 ans ? Et surtout quels facteurs éducatifs ont influencé ces apprentissages ?