Dernière mise à jour: 9 décembre 2024
Cet article est une traduction française du blogpost original de JL Collins (en anglais) posté sur cette page de son blog jlcollinsh.com.
Donc, on a là ce merveilleux outil de constitution de patrimoine qui grimpe inexorablement, mais — et c’est un grand mais — c’est une course folle et déstabilisante.
Dans la partie 1 et la partie 2, je t’ai présenté une vision très optimiste du marché boursier et de son potentiel de création de richesse. Tout ce que j’ai écrit est vrai. Mais ceci aussi est vrai:
La plupart des gens perdent de l’argent en bourse.
Voici pourquoi:
1. On panique quand les temps sont durs et on achète quand le marché s’envole
On achète au prix fort et on vend au prix bas. Ça s’applique à chacun d’entre nous. C’est la façon dont les humains sont programmés. On est psychologiquement inadaptés pour prospérer dans un marché volatil. Il faut de la volonté et des efforts pour comprendre, accepter et changer ce comportement destructeur.
Voici un fait qui donne à réfléchir: la grande majorité des investisseurs en fonds communs de placement parviennent en fait à obtenir de leurs fonds des rendements inférieurs à ceux que les fonds eux-mêmes génèrent et communiquent. Laissons ce petit détail infuser un instant. Comment c’est possible? On ne peut pas s’empêcher d’essayer d’anticiper le marché et d’y entrer et d’en sortir, presque toujours au mauvais moment.
Voici ce qu’en dit Warren Buffett:
Le Dow Jones a été créé le siècle dernier à 66 et a terminé à 11 400. Comment peut-on perdre de l’argent au cours d’une telle période ? Beaucoup de gens l’ont fait parce qu’ils ont essayé d’entrer et de sortir de la bourse.
2. On pense pouvoir sélectionner des actions individuelles
Tu ne peux pas choisir les actions gagnantes. Ne te sens pas coupable. Je n’y arrive pas non plus. Pas plus que 80% de la plupart des professionnels.
Bien sûr, de temps en temps, on peut y parvenir et, lorsque ça fonctionne, c’est genre “Oh mon Dieu!”. C’est incroyablement attirant. Choisir une action qui monte en flèche est une expérience intense et addictive. Les médias et l’internet regorgent de stratégies “gagnantes” qui se nourrissent de cette illusion.
L’année dernière, j’ai repéré une tendance et j’ai gagné 19% en quatre mois sur les cinq titres que j’ai choisis. (Soupir… j’ai toujours cette addiction.) C’est presque 60% annualisé. Et ce, alors que le marché est resté stationnaire toute l’année. C’est spectaculaire, si je puis dire. C’est également impossible à réaliser année après année.
C’est extrêmement difficile de battre l’indice, même légèrement, année après année. Seule une poignée d’investisseurs a réussi à le dépasser légèrement au fil du temps. Cette performance a fait d’eux des superstars. C’est pourquoi Warren Buffet, Michael Price et Peter Lynch sont des noms connus de tous. C’est pourquoi je ne laisse pas mes victoires occasionnelles me monter à la tête. C’est pourquoi je laisse les fonds indiciels faire le gros du travail dans mon portefeuille.
Pour en savoir plus à ce sujet, voici le deuxième article que j’ai écrit sur le blog: Why I can’t pick winning stocks, and you can’t either (en anglais).
Et voici mon point de vue sur une stratégie actuellement en vogue: Dividend Growth Investing (en anglais).
3. On pense pouvoir choisir les gestionnaires de fonds mutualisés de placement les plus performants
Les fonds communs de placement en actions à gestion active (fonds gérés par des gestionnaires professionnels, par opposition aux fonds indiciels) représentent une activité énorme et très rentable. Rentable pour les entreprises qui les gèrent *. Mais moins pour les investisseurs.
Ils sont si rentables qu’il existe en fait plus de fonds communs de placement que d’actions. Tu as bien lu. Oui, moi aussi je suis étonné.
L’enjeu est tel que les sociétés d’investissement ne cessent de lancer de nouveaux fonds tout en enterrant ceux qui échouent. Les médias financiers sont remplis d’histoires de gestionnaires et de fonds gagnants, et de publicités les concernant. Les résultats passés sont analysés. Les gestionnaires sont interviewés. Des sociétés comme Morningstar se sont construites autour de la recherche et du classement des fonds.
Le fait est que seuls 20% des gestionnaires de fonds parviendront à battre l’indice au fil du temps. 80% échoueront. 100% d’entre eux te factureront des frais élevés pour essayer. Il est impossible de prédire lesquels feront partie de ces 20% les plus rares.
Chaque prospectus de fonds comporte cette phrase: “Les résultats passés ne sont pas une garantie de performance future.” C’est la phrase la plus ignorée de tout le document. C’est aussi la plus exacte.
Voici une petite “astuce” que les sociétés de fonds communs de placement utilisent. Lorsque l’un de leurs fonds n’est pas assez performant, elles le ferment discrètement et transfèrent les actifs dans un autre fonds plus performant. Le mauvais fonds disparaît et la société peut continuer à prétendre que ses fonds sont des stars. Sympa.
Il y a beaucoup d’argent à gagner avec les fonds gérés activement. Mais pas par les investisseurs. Tu veux m’entendre parler plus longuement de ce sujet? Lis cet article: The Bashing of Index Funds, Jack Bogle and a Jedi Dog Trick (en anglais).
4. On joue dans la mauvaise partie de la piscine
Imagine que tu viens de passer quelques heures à lire tous les articles de qualité sur jlcollinsnh. (Et c’est bien normal, tu devrais le faire!) Méritant amplement une récompense, tu ouvres une bouteille de ton breuvage favori et tu te le verses dans un verre bien frais.
Si t’as déjà fait ça, tu sais que si tu la verses prudemment sur le côté, tu te retrouveras avec un verre rempli principalement de bière et un peu de mousse en surface. Si tu la verses rapidement et au centre, tu peux facilement avoir un verre avec un peu de bière et rempli principalement de mousse.
Imaginons que quelqu’un d’autre l’ait versée pour toi, à l’abri des regards, dans une chope opaque à travers laquelle tu ne peux rien voir. Tu n’as aucun moyen de savoir quelle est la part de bière et quelle est la part de mousse. C’est le marché boursier.
En fait, la bourse est deux choses très différentes:
- Il s’agit de la bière: les entreprises en activité dont on peut faire partie.
- C’est la mousse: les morceaux de papier échangés dont le prix monte et descend furieusement d’un moment à l’autre. C’est le petit lait de CNBC. C’est le petit lait des rapports quotidiens sur les marchés boursiers. C’est le petit lait dont parlent les gens lorsqu’ils comparent Wall Street à Las Vegas. C’est le marché de la volatilité quotidienne, hebdomadaire, mensuelle et annuelle qui pousse l’investisseur moyen à sortir par la fenêtre et à monter sur le rebord.
Lorsqu’on regarde le cours quotidien d’une action, il est impossible de savoir ce qu’il en est de la mousse. C’est pourquoi la valeur d’une entreprise peut s’effondrer un jour et s’envoler le lendemain. C’est la raison pour laquelle la chaîne CNBC présente régulièrement des experts, tous remarquablement accrédités, qui prédisent avec assurance l’évolution du marché, tout en se contredisant les uns les autres. Ce sont tous ces traders qui s’affrontent pour deviner quelle quantité de bière se trouve réellement dans le verre, et quelle quantité est constituée de mousse.
Avec le temps, c’est la bière qui compte.
C’est la bière, c’est-à-dire les entreprises sous-jacentes réelles, opérationnelles et lucratives, qui se cachent derrière la mousse et l’écume et qui poussent inlassablement le marché à la hausse.
Il faut également comprendre que ce que les médias attendent de ces commentateurs, c’est de la dramatisation. Personne ne va rester scotché devant son poste de télévision pendant qu’une personne rationnelle parle d’investissement à long terme. Mais fais promettre à quelqu’un que le Dow Jones atteindra 20'000 points à la fin de l’année ou, mieux encore, qu’il est sur le point de plonger au fond du trou, et tu auras de l’audimat!
Mais tout ça, ce n’est que du bruit et ça n’a pas d’importance pour nous. Nous, on est là pour la bière!
La prochaine fois, on parlera de ce grand et vilain événement.
Addendum de JL
* En plus d’être moins performants que les fonds indiciels, les fonds gérés activement coûtent plus cher, et ces coûts ont un impact négatif très important sur tes résultats. Mon ami Shilpan a publié un excellent article à ce sujet: That Mutual Fund is Robbing Your Retirement (en anglais).
Notes de MP
Je ne suis pas différent des autres, et j’aurais moi aussi perdu de l’argent en bourse en essayant d’acheter quand c’est bas, et en revendant quand c’est haut…
Cette situation se serait produite si je n’avais pas compris ce qu’était la bourse.
Du moment où j’ai commencé à lire et écouter Warren Buffett, j’ai compris qu’une action n’était pas “un truc qui vaut CHF 100 aujourd’hui, CHF 110 demain, et CHF 88 le surlendemain”.
Non, ça, c’est la définition du marché boursier: un truc complètement irrationnel et émotionnel.
Mais, une action, c’est autre chose. Une action, c’est une part dans une entreprise bien réelle avec des employés bien humains, et tout ce petit monde s’efforce de rester compétitif et productif en face de ses autres concurrents.
C’est ça que je possède quand j’achète une action.
Du moment où j’ai compris ça, j’ai pu m’imaginer que j’allais investir en bourse — sur le long terme.
Et que j’allais acheter ET ne jamais revendre, sans me préoccuper des hauts ou des bas du marché. Car, les hauts et les bas du marché sont dus uniquement au ressenti de gens qui veulent acheter/vendre des bouts de papier et ne comprennent pas grand-chose aux sociétés sous-jacentes qu’ils possèdent.
Je me préserverai bien de dire que, moi, je connais les sociétés sous-jacentes. Cette partie, je la laisse à mon ETF qui ne garde que les meilleures entreprises. Et pour la gestion opérationnelle journalière de ces entreprises, je pense que leurs employés sont les mieux placés pour savoir quoi faire pour faire avancer leur business (comparé aux analyses des soi-disant “experts”).
J’espère que tu auras le même déclic que moi à l’époque en comprenant ce qu’est vraiment la bourse, et ce qu’est vraiment une action. Ce déclic m’a permis de me “lancer en bourse” sur le long terme avec quasi aucune crainte (et amasser des dizaines de milliers de CHF de gains depuis plus d’une décennie maintenant).
Crédit photos: jlcollinsnh.com